Répandue depuis des décennies, colportée par tous les articles de jardinage, livres, blogs, émissions TV, l’obligation d’utiliser de la terre de bruyère pour certaines plantations a toujours éveillé chez moi une suspicion plus que démangeante. Alors qu’en est-il véritablement de cette injonction datant de nos grands-mères ? Et qu’en est-il des conséquences de cette pratique ? La terre de bruyère est-elle vraiment nécessaire ? Serait-ce au contraire un mythe bien entretenu ? Lisez dans ces lignes notre expérience de paysagiste, sur le terrain, et faites ensuite vos propres essais.
On ne compte plus le nombre de fois où le jardinier amateur, comme le professionnel, se voit exhorter de créer des fosses de plantations remplies de terre de bruyère dès qu’il veut mettre en place rhododendrons, hortensias, azalées, érables du Japon et j’en passe. Moi-même, encore sur les bancs de l’Ecole du Paysage de Versailles, je me souviens avoir voulu suivre ces conseils à la lettre lors de mes premiers projets de jardin. Pourtant, quelque chose me chiffonnait déjà : pourquoi vouloir créer artificiellement un sol soi-disant « adéquat » au sein d’un autre sol qui ne le serait pas ? Et pourquoi l’isoler en plus par un géotextile ? Car finalement, les futures plantes concernées allaient se retrouver dans les mêmes conditions qu’en pots…
Sémantique
Il faut dire que la sémantique horticole ne nous aide pas. Parce que ces fameuses plantes citées plus haut (et la liste est bien plus longue) sont appelées PARTOUT « plantes de terre de bruyère ». Comment oser imaginer dès lors les mettre en place SANS cette fameuse terre de bruyère ? Sûrement le ciel s’ouvrirait, le déluge divin se répandrait et l’Apocalypse s’abattrait sur ces pauvres hortensias !
Je croyais à tout cela donc, comme 98% de l’humanité, jusqu’à ma rencontre avec mon maître de stage de fin d’études, le paysagiste Marc Vatinel. Il faut savoir que Marc possède une approche des jardins assez iconoclaste, décomplexée et absolument créative. En général, il ne s’embarrasse pas de dessins sublimes et chiadés, ni des impossibilités techniques du projet à venir. Il crée, et trouve les solutions nécessaires pour faire naître le jardin qu’il a en tête. Très formateur, donc, et terriblement libératoire.
Vient sur la table le sujet de la terre de bruyère. Je soulève la problématique et il me répond dans un grand éclat de rire : « Vas-y, plante deux érables du Japon en même temps, le premier dans une fosse de terre de bruyère, l’autre dans une bonne terre de jardin avec un peu de terreau, et tu vas voir ce qui va se passer : le premier va crever de soif en quelques mois. »
Glurps. Marc Vatinel dézingue en 24 secondes un des dix commandements du jardinage.
Notre expérience
Il ne m’en faut pas plus pour tester la chose. Dès mes premiers chantiers, je refuse de créer des fosses de plantation de terre de bruyère, et même, je n’en achète pas du tout. A la place, je plante mes rhododendrons, kalmias et azalées en terre de jardin avec un peu de terreau. Et c’est tout.
Et là, miracle. L’Apocalypse n’arrive pas. Les plantes se développent bien. Tout juste ai-je eu quelques cas de phytophtora sur des rhododendrons dans des terres trop argileuses. Ce que j’ai résolu soit en plantant les rhodos sur des buttes pour que l’eau ne stagne pas, soit en changeant de style de plante à cet endroit-là. Oh, rassurez-vous, nos clients continuent à nous regarder avec terreur lorsque nous plantons des arbustes de terre de bruyère, SANS terre de bruyère. Mais les plantes, elles, s’en fichent.
PAR CONTRE, on paille ou on mulche les massifs, on travaille sur la qualité du sol en recréant un humus si besoin, on est vigilants sur la qualité de l’arrosage (ni trop ni trop peu), on décompacte les terres un peu lourdes avant de planter. Bref, on remplace l’artificialité du changement de substrat par un vrai travail sur la qualité potentielle du sol. Et le PH me direz-vous ? Les régions d’Europe où les sols sont vraiment calcaires sont assez bien identifiées. Dans ces régions-là, il est évidemment peu recommandé d’utiliser des plantes qui préfèrent des sols acides. Mais pour toutes les autres, la qualité du sol et son PH sont suffisamment acides ou neutres pour pouvoir juste amender, aérer et alléger la terre afin de permettre aux plantes de se développer.
Depuis, j’ai lu un seul article sur le sujet qui va dans le même sens, écrit par Linda Chalker Scott dans « The Informed Gardener ». Elle dénonce le caractère inutile et contre-productif de l’amendement systématique et de la transformation artificiels des sols. Ce qui m’a conforté dans mon choix. Elle y parle aussi des tourbières qui sont des milieux naturels fragiles, et qu’on défonce… pour pouvoir fournir cette fameuse terre de bruyère.
Du coup, je continue à mener ma petite rébellion contre cette pratique ultra répandue. Et contre le fait que certaines méthodes de jardinage n’ont pas évolué depuis des années malgré les nouvelles connaissances que l’on a sur les sols, les écosystèmes, les plantes et leurs besoins…
Alors ne gobez pas tout ce que l’industrie essaye de vous faire avaler et faites vos propres expériences. N’ayez pas peur : le jardinage aussi, ça se réforme !
A lire pour approfondir le sujet sur l’amendement des sols :
https://s3.wp.wsu.edu/uploads/sites/403/2015/03/soil-amendments.pdf
https://s3.wp.wsu.edu/uploads/sites/403/2015/03/soil-amendments-2.pdf
https://www.rhododendron.org/v46n1p21.htm
Sur la destruction des tourbières :
https://s3.wp.wsu.edu/uploads/sites/403/2017/04/horticultural-peat.pdf
Sur le fait que la terre de bruyère n’augmente pas l’acidité du sol par amendement:
Bonjour,
Merci pour cet article éclairant. Je comprends que vouloir changer un sol par un autre est utopique et contre-productif mais qu’en est-il pour les plantes en pot ? Est-ce utile de mettre de la terre de bruyère ou un terreau universel suffit-il pour des plantes acidophiles ? Merci pour votre attention.
Bonne journée,
Véronique
Bonjour et merci pour votre message. Un bon terreau de plantation mélangé à de la terre végétale suffit largement. N’oubliez pas de drainer le fond si vous êtes en pot.
Bon jardinage!
Merci pour cet avis intéressant. J’aime beaucoup votre approche non mécaniste, donc intelligente, du jardinage. Etant un ignorant profond dans ce domaine, je vais suivre vos conseils pour planter quelques myrtilliers dans mon jardin. Eventuellement, je reviendrais ici l’année prochaine pour vous partager le résultat. Bien cordialement. Eric.
Bonjour et merci pour votre commentaire! Avec plaisir pour un petit débrief dans un an sur les myrtilliers… Bon jardinage. Alexandra
Je ne sais pas ou tu habites mais dans le var tu met juste en terre avec un peu de terreau ton azalée elle fait pas 3 ans, tes hortensias dépasseront rarement 1m et resteront rabougris avec tous les bon soins du monde quand t’as une terre PH 9 alors que tes plantes vivent en PH6 ce n’est pas de la vie mais de la survie, c’est pareil que pour les poissons, tu ne met pas du discus dans de l’eau PH 9 sauf si il a subie une sélection pour cela…On sait très bien que les conditions de culture des plantes pour la plus part des grossistes, est fait avec des terres se rapprochant de leur paramètres d’origine pour avoir des très beaux sujets a proposer a la vente, mais le soucis, c’est qu’ils sont éloignée des paramètres des terres de jardins locaux (je parle pour un type de plante qui aimerait un sol acide)
Donc ce que tu dis n’a rien de fabuleux ou de miraculeux, si tu es allé cherché ta plante chez un producteur locale qui à fait une sélection pour qu’elles soient adapté au sol locale ou si les paramètres de ta terre sont proche coté PH au point qu’avec un peu de terreau ça le fait …
Il n’y a pas de miracle les animaux comme les plantes n’aiment pas les changements radicaux de terre ou d’environnement, donc soit tu les conserves dans leur paramètres d’origine soit tu fais une sélection de sujets pour qu’ils soient adaptés directement aux nouveaux paramètres…
Bonjour
Quand on a un pH à 9, le meilleur est de faire le deuil des plantes acidophiles.
Travailler contre nature est improductif, voir simplement impossible.
Il existe des t’as de chouettes plantes pour les terres calcaires (viburnum, etc…)
Bonne journée à vous.
Michael
Bonjour. Faisant des recherches sur ce que je pouvais planter à l’ombre, je suis de fil en aiguilles tombée sur votre blog. Je pensais mettre du sarcococca confusa. Vous avez déjà répondu à ma première question concernant la terre de bruyère :=). Pourriez=vous me dire également si cette espèce est correcte sur le plan écologique (intéressante pour insectes ou oiseaux, et surtout non invasive ? Merci
Bonjour
J’habite dans le val de marne. Je vais aménager cet automne tout un coin de plantes qui demandent un sol acide: érable sango, fougères en tout genre,camelias, azalées, rhododendrons.
Avant de lire votre article j’allais faire un remplacement de ma terre par de la terre de bruyère évidemment…
Maintenant, j’ai envie de suivre vos conseils mais cela me semble osé, surtout au regard du coût des plantes que je vais mettre. Toutefois, je vais tenter si vous accepter de m’apporter quelques précisions.
En effet, sur votre article vous précisez qu il peut être nécessaire de recréer un humus ou de faire des amendements.
La terre de notre jardin est classique ni sableuse, ni argileuse. Nous sommes à joinville le pont donc c’est de la Marne tout au fond il me semble. Des érables sycomores, un laurier et un noisetier s’y développent actuellement très bien ainsi que des belles de jour.
La terre à été préparée. L’arrosage se fera par des oyas. Et nous paillerons selon vos directives. Au test du vinaigre sur la terre il y e une légère réaction de minuscules bulles. Me conseillez vous de faire un test plus précis?
Quelle action en plus dois je mettre en place en terme d’amendement et De création d’ humus : c’est precisement ça qui me bloque.
Nous avons un broyeur de feuilles et du compost au composteur.
Et beaucoup de bonne volonté !
Je vous remercie pour votre article et le partage de vos connaissances.
Anne
Bonjour Anne,
Vous pouvez amender vos plantations en mélangeant votre terre de jardin avec un peu de votre compost avant de reboucher autour de chaque plante. Je vous conseille aussi de décompacter le fond de chaque trou de plantation à la fourche pour éviter que l’eau ne s’accumule si la surface est trop dure. Enfin, paillez bien tous vos massifs une fois plantés,jusqu’au pied de chaque arbuste ou vivace, avec du broyat de caducs et/ou éventuellement de feuilles mortes. Cela formera à terme une couche d’humus quand les matières mises en paillage se décomposeront. je n’ai jamais testé les oyas, mais j’aime beaucoup l’idée. Attention toutefois de veiller à ce que vos plantes seront suffisamment arrosées avec cette pratique, surtout si elles sont en plein soleil. Bon jardinage! Alexandra
Bonjour,
J’adore irrésistiblement les rhododendrons, dans mon précédent jardin en seine et marne j’en avais planté sur une butte de « terre de bruyère » ils avaient l’air de se plaire car ils fleurissaient bien.
Nous avons maintenant un autre jardin en charente maritime, la terre est bien moins argileuse que celle de seine et marne et d’après ce que j’ai pu en déduire avec le test du bocal elle serait limoneuse/sableuse.
Dans ce nouveau jardin je souhaite replanter des rhododentrons et j’avoue que pouvoir les mettre directement dans la terre sans faire rentrer de la terre de bruyère m’arrangerait beaucoup.
Nous sommes en train d’enlever une haie de thuyas et je compte y planter à cet endroit des arbustes appréciant une terre non calcaire.
Quels conseils me donneriez-vous pour préparer la terre afin que les arbustes en question soient en bonne condition? que faudrait-il que j’y ajoute?
J’attends votre réponse avec impatience et je vous en remercie bien vivement par avance.
Cordialement.
Martine
Bonjour, il faut bien travailler la terre au préalable, à la bêche ou à la fourche bêche, et selon sa texture, lui rajouter simplement un peu de bon terreau, de compost décomposé ou même de fumier de cheval décomposé (petite quantité), bien mélanger le tout et planter les arbustes. Ensuite la clef, c’est de pailler le sol autour des plantes, avec un paillage non acide (PAS d’écorce de pin donc), ou du broyat de caducs. Et ensuite, observez comment se comportent les plantes la première année. Mais n’oubliez pas que le sol ne fait pas tout, il y a aussi la question de l’ensoleillement et de l’apport en eau. Bon jardinage.
Merci pour cet article intéressant .ce matin j ai acheter un myrtiller .j ai une terre argileuse je pensais mettre un peu de caca de cheval avec un peu de terreau et mettre un peu de sang et de corne .et le mulched avec feuille ou broyât …
Bonjour, si vous avez une terre argileuse, l’essentiel est de bien la décompacter pour qu’elle ne forme pas une cuvette étanche dans laquelle l’eau s’accumule, sous la plante. Mélanger terreau, compost et un peu de fumier (décomposé par contre, pas frais!) à la terre existante devrait suffire. Bonnes plantations!
Merci ..j’ai la confirmation écrite et documentée et argumentée de ce qu’un producteur d’érable du japon dans le calvados..m’a dit..en revanche ma terre de remblai et ma terre type argile rouge je vais l’enlever..l’argile même faciliterai des racines plus fortes chez le rhodo et des couleurs de fleurs plus vives?
Non l’argile empêche l’eau d’être drainée et crée une cuvette étanche en fond de fosse qui risque de donner le phytophthora au rhododendron. Si votre terre n’est pas drainante, je vous déconseillerais de planter des rhodos ou alors, il faut les butter, c’est-à-dire les planter sur une butte sur-élevée pour que l’eau s’écoule sans stagner.
J’aime cette solution merci